Dans l’article précédent , nous avons décrit le mix énergétique mondial et son évolution suivant un scénario de référence, dans lequel les énergies renouvelables (EnR) rattrapent le pétrole et le charbon. Pourtant rien n’est acquis : il reste des défis à relever. La compétitivité des renouvelables devrait certes continuer à évoluer favorablement, mais les problèmes d’intermittence et de congestion des réseaux doivent être résolus.

Le coût des EnR devrait continuer à baisser, avec toutefois des disparités

Plusieurs sources s’accordent sur la même tendance à moyen et long terme pour plusieurs EnR : leur coût devrait continuer à baisser, notamment grâce aux investissements massifs de la Chine dans ces technologies (127 milliards de dollars en 2017. Par exemple, à l’horizon 2040, le NREL (U.S. National Renewable Energy Laboratory) prévoit une diminution des coûts de production du photovoltaïque pouvant aller jusqu’à 70% et 50% pour l’éolien terrestre (Annual Technology Baseline 2017). À cette date, et avec de tels gains de compétitivité, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) prévoit que plus de la moitié des capacités d’EnR pourra se passer de subventions (World Energy Outlook 2016). Par ailleurs, des baisses de coûts sont aussi à prévoir pour le solaire thermique ou l’éolien en mer, alors que pour d’autres EnR (hydro-énergie, biomasse, géothermie), les coûts devraient rester stables ou dimuner faiblement s’ils suivent les prévisions du NREL aux États-Unis.

Ces baisses de coûts améliorent la compétitivité des EnR et transforment les marchés de l’électricité. On constate déjà, par exemple, que la pénétration d’EnR compétitives sur le marché de l’électricité européen ces dernières années conduit à des périodes de prix de gros de l’électricité très bas (voire négatifs), ce qui fragilise le modèle d’affaires d’autres unités de production. Une partie significative des centrales à gaz d’appoint ont ainsi dû fermer faute de rentabilité ; l’écart de compétitivité étant d’autant plus fort que certaines EnR étaient subventionnées.


La compétitivité des énergies bas carbone n’est pas qu’une affaire de coût des technologies

Face aux énergies fossiles, la compétitivité des énergies bas carbone (EnR et nucléaire) dépend largement des systèmes de taxes sur les émissions de CO2. Le prix du CO2 gonfle par exemple le coût de production d’une centrale à charbon, sans affecter celui d’un parc éolien. En Europe, la récente réforme du marché ETS (Emission Trading Scheme) s’accompagne d’une hausse du prix du carbone. Pour certains analystes, c’est l’amorce d’une sortie du charbon en Europe, mais les marchés du carbone des autres continents, lorsqu’ils existent, ne prennent pas encore la même direction.

Au niveau mondial, le charbon reste compétitif. En effet, les technologies associées sont matures et les réserves abondantes et bien réparties ; même si le charbon reste cher à transporter, le commerce international se développe depuis que les États-Unis se sont tournés vers le gaz de schiste et exportent une partie de leur production de charbon. Pourtant, tout effort politique qui renforcerait les taxes sur les émissions de CO2 entamerait efficacement la compétitivité des combustibles fossiles, puisqu’en parallèle, l’évolution des coûts des technologies leur est aussi défavorable (cf. Figure 1).

Enfin, du côté des usages, les énergies renouvelables restent concurrencées par les produits pétroliers dont il ne faut pas négliger la volatilité des prix. Après une période de prix bas, l’évolution à court et moyen terme reste incertaine. Par exemple, la géopolitique des pays producteurs qui dicte habituellement les prix est peu prévisible. La fiscalité des produits pétroliers dans les pays consommateurs devrait aussi jouer sur leur compétitivité. Parallèlement, l’émergence de substituts dans certains secteurs encore très dépendants du pétrole (mobilité, aviation, pétrochimie…) pourrait changer la donne, mais à plus long terme.

L’intégration d’une proportion élevée d’EnR intermittentes dans le système énergétique est possible, mais s’accompagne de challenges

L’intermittence de certaines énergies renouvelables (solaire, éolien) complexifie l’équilibre entre l’offre et de la demande sur les réseaux électriques : la production est moins flexible, moins prédictible, et ne peut donc constituer seule la base d’un mix électrique. En Europe, où l’Allemagne et le Danemark ont réussi à atteindre des taux de pénétration d’EnR élevés (respectivement 32% et 54% de l’électricité consommée en 2016, soit 2 à 3 fois plus qu’il y a dix ans, des producteurs ont vendu de l’électricité à prix négatif pour s’en délester lors des pics de production des EnR. Paradoxalement, les prix payés par les consommateurs allemands et danois sont les plus élevés d’Europe, car ils dépendent des coûts de production des technologies de pointe (centrales thermiques ou hydroélectriques sollicitées lors des pics de demande ou des creux de production des EnR).

De plus, la production des EnR étant décentralisée, les réseaux électriques de ces pays, historiquement centralisés, connaissent régulièrement des tensions et des congestions. Alors que les excédents de production sont envoyés aux pays voisins, ces problèmes pourraient s’accentuer si la pénétration des EnR se développe dans l’ensemble des pays européens.

Un article récent de France Stratégie montre que les prix élevés de l’électricité pour les consommateurs allemands, et les problèmes de gestion des réseaux pourraient freiner la transition énergétique allemande : depuis 2010, le pays réduit moins ses émissions de CO2 que le reste de l’Europe.

Pour continuer à accroître la production des EnR tout en assurant l’équilibre offre-demande, l’Europe doit moderniser ses réseaux. Des opportunités de développer de nouvelles technologies (notamment grâce aux outils numériques) se présentent et il convient donc d’étudier les solutions techniques possibles, leur efficacité et leur coût : création de nouvelles lignes, restrictions/délestages pendant les pics de demande, arrêt des EnR lors des périodes de surproduction, stockage d’énergie inter-saisonnier, marchés de capacités, c’est-à-dire valorisant la flexibilité de l’offre et l’effacement de la demande…

Antoine Monnet
Innovation Strategist
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